La dernière semaine a été active, tant au chapitre des données que des marchés. Les données sur l'inflation plus élevées que prévu aux États-Unis ont ébranlé les marchés, les signes de ralentissement économique sont devenus plus évidents et l'incertitude quant à l’échéancier des baisses de taux de la Réserve fédérale américaine (Fed) a eu un impact particulier sur les actions des sociétés à petite capitalisation. Voici ce que je retiens de ce que nous avons appris la semaine dernière.
La désinflation se poursuit dans les économies occidentales développées, mais de manière imparfaite.
L'indice des prix à la consommation (IPC) et l'indice des prix à la production (IPP) des États-Unis de janvier ont été plus élevés que prévu mais, à mon avis, il n'y a pas lieu de s'inquiéter.
L'IPC, en particulier, a suscité de vives inquiétudes sur les marchés, comme en témoigne le repli boursier qui s'est produit le jour même de l’annonce. Cependant, je crois que la réaction n'était pas due à l'indice lui-même, mais à la confusion qui règne autour de la politique monétaire de la Fed (tout au long de la semaine, les marchés ont réagi de façon exagérée aux diverses statistiques économiques qui ont été rendues publiques). L'IPC n'était pas excessif; il n'était tout simplement pas assez bas pour satisfaire aux attentes. Cela ne m'inquiète pas. Les progrès sont peut-être plus lents que prévu, mais nous allons dans la bonne direction.
En fait, presque toutes les composantes de l'IPC des États-Unis vont dans la bonne direction. La composante logement reste élevée, c’est vrai, mais elle va en diminuant. Le fait est que le logement représente 42 % de l'IPC de base1, si bien qu'il a un gros impact sur l'IPC de base global. Et ne me demandez pas comment une composante importante de l'inflation du logement, à savoir l’équivalent du loyer pour les propriétaires, peut refléter de manière inexacte les coûts du logement. Il est également important de souligner que l'indicateur d'inflation de prédilection de la Fed, l’indice des prix des dépenses de consommation personnelle (DCP) et plus particulièrement l’indice DCP de base, a été moins élevé, ce qui renforce la thèse de la désinflation. (Même si certaines composantes de l'IPP sont prises en compte dans les DCP, je ne crois pas que l’IPP plus élevé que prévu en janvier aura un impact significatif sur l'IPC du mois prochain).
Les anticipations d’inflation des consommateurs sont un autre indicateur à prendre en considération. La semaine dernière, le sondage de l’Université du Michigan sur les attentes des consommateurs a révélé que les anticipations d’inflation à plus long terme (cinq ans) restent très bien ancrées à 2,9 %.2
De l'autre côté de l'Atlantique, l'IPC britannique a été supérieur aux attentes. L'inflation du secteur tertiaire reste élevée, mais ce n'est pas une surprise, l'inflation des biens a été la première à bouger, à la hausse comme à la baisse, suivie de celle du secteur tertiaire, étant donné la nature du comportement des consommateurs pendant et après la pandémie. L'IPC semble avoir apaisé les marchés, car il fait suite à des données salariales plus élevées que prévu au Royaume-Uni, qui, avec l'IPC des États-Unis, ont provoqué quelques fluctuations boursières.
Je crois qu'une bonne analogie concernant l'inflation est celle de la perte de poids. Le chemin de la perte de poids est généralement parsemé d'embûches, même pour ceux et celles qui suivent scrupuleusement leur régime au quotidien. Une semaine peut être marquée par une forte perte de poids, tandis qu'une autre peut se solder par une absence de progrès, voire une augmentation du nombre de kilos. Même si la perte de poids ne se déroule pas toujours parfaitement, si nous suivons un plan à long terme adapté à nos besoins, nous devrions atteindre notre objectif. La seule différence est que la politique monétaire agit avec un long décalage, si bien que nous resterons fort probablement sur une trajectoire imparfaite pendant longtemps après la première baisse de taux avant d’atteindre notre objectif.
La demande du commerce de détail et de l'industrie diminue
L'indice d’optimisme des petites entreprises américaines de la NFIB s'est établi à 89,9 points en janvier, son niveau le plus bas depuis mai 2023.3 En particulier, le sous-indice des prévisions de ventes a chuté de façon spectaculaire. Ce sondage est volatil, mais il pourrait être un signe avant-coureur de ralentissement économique.
Les ventes au détail et la production industrielle aux États-Unis ont aussi été inférieures aux attentes. Les ventes au détail aux États-Unis se sont non seulement fortement repliées le mois dernier, mais les données de novembre et de décembre ont été révisées à la baisse. Il se peut que les nombreuses manchettes qui annoncent des licenciements rendent les consommateurs plus inquiets. La Fed veut que l'économie ralentisse avant de baisser les taux d'intérêt; ce sont donc de bonnes nouvelles, car cela signifie que la Fed va se sentir plus à l'aise de procéder à des baisses de taux d'intérêt plus tôt.
Nous avons déjà constaté un ralentissement économique dans d'autres pays. Les plus récentes données sur le produit intérieur brut du Japon et du Royaume-Uni montrent que ces deux économies étaient techniquement en récession pendant la deuxième moitié de 2023.
Bien entendu, nous devons veiller à ce que l'économie ne ralentisse pas trop. Je crois beaucoup au mantra qui dit que « tout est une question de modération ». Je m'attends à un atterrissage plus brutal que la plupart des gens, mais cela ne signifie pas qu’il y aura une récession cette année. Je reste attentive aux fissures qui se forment et qui pourraient devenir trop grosses.
Je m’attends encore à ce que la Fed procède à des baisses de taux au deuxième trimestre.
Rien de ce que j'ai vu dans les données ou entendu dans le « Fedspeak » n'a modifié mes prévisions selon lesquelles la Fed va amorcer des baisses de taux dès le deuxième trimestre de cette année. Il est vrai que nous avons récemment entendu beaucoup de discours bellicistes de la part de la Fed, mais je persiste à croire que les membres du Federal Open Market Committee (FOMC) usent de leur influence pour tempérer les conditions financières et empêcher les marchés de s'emballer.
En fait, je crois qu'il est plus instructif d'écouter un ancien membre du FOMC qui n'est plus chargé de surveiller les conditions financières, mais qui peut simplement faire part de ses prescriptions politiques; à ce titre, l'ancien président de la Réserve fédérale de St. Louis, Jim Bullard, a toujours été un bon baromètre de ce que la Fed pense réellement et prévoit faire. La semaine dernière, M. Bullard a pris la parole à la conférence de la National Association of Business Economics et s'est montré très rassurant, affirmant que les conditions actuelles indiquent que le moment est venu de procéder à des baisses de taux d'intérêt. Il a déclaré : « Je crois que la Fed devrait agir maintenant. Il serait probablement plus sage de commencer plus tôt, mais d’y aller plus graduellement... Je crains que nous n'arrivions au troisième trimestre et que le taux directeur soit encore trop élevé, compte tenu de la situation, alors pourquoi ne pas agir dès maintenant. »4
Les sociétés américaines à petite capitalisation ont été très volatiles, désorientées par les données et le Fedspeak.
Les actions américaines en général ont été très volatiles ces derniers temps, mais celles des sociétés américaines à petite capitalisation l'ont été encore plus. Chaque jour de bourse de la semaine dernière, l'indice Russell 2000 a fluctué d'au moins 1 % dans un sens ou dans l'autre.5 La plus forte variation est survenue mardi dernier, lorsqu’il a chuté de près de 4 % par suite de la publication des données sur l'IPC de janvier.5 La semaine dernière, il a aussi enregistré une forte hausse, soit de près de 2,5 % jeudi, après l’annonce de piètres ventes au détail aux États-Unis. 5
Ces derniers mois, les actions des sociétés américaines à petite capitalisation ont été largement influencées par les attentes concernant la politique monétaire de la Fed; elles ont été plus sensibles aux données économiques et au Fedspeak, deux facteurs qui ont une incidence sur les attentes en matière de taux, parce qu'elles ont toujours été les plus sensibles au cycle économique. La volatilité des derniers jours illustre bien la confusion et l'incertitude qui règnent sur les marchés quant au début et à l'ampleur des baisses de taux de la Fed, ce qui pourrait donner lieu à de gros écarts de valorisation, tout dépendant des perspectives économiques de chacun.
Le changement de politique monétaire est un jeu de patience
En conclusion, la semaine dernière nous a rappelé que la politique monétaire reste un facteur déterminant pour les marchés, ce qui signifie que nous attendons tous que la Fed et d'autres banques centrales décident du moment où elles procéderont à des baisses de taux. D'ici là, nous pouvons chercher à tirer parti de la vigueur des revenus en veillant à ce que certains éléments de notre portefeuille offrent un bon potentiel de rendement. Cela inclut les obligations de sociétés de qualité, les obligations à rendement élevé, les obligations municipales et, bien sûr, les actions productives de dividendes.