C’est dans la nature humaine de chercher des signes de ce que l’avenir nous réserve. Je me souviens que ma mère avait une amie qui payait pour se faire tirer au tarot pour avoir des indices sur l’homme que sa fille épouserait un jour. Comme je l’ai mentionné dans mes articles de blog précédents, je me souviens quand les gens regardaient attentivement la mallette du président du conseil de la Réserve fédérale américaine (Fed) Alan Greenspan pour avoir des signes de ce qui se passerait à la prochaine réunion de la Fed.
Les observateurs du marché cherchent des signes de ce qui pourrait se passer dans l'économie et les marchés. Les indicateurs peuvent prendre de nombreuses formes : ils peuvent être techniques, fondamentaux ou économiques. Alors, que nous disent certains de ces indicateurs en ce moment?
Titres baromètres
Une bonne source d’information est l’orientation des bénéfices des entreprises perçues comme des « titres baromètres ». Ces sociétés sont considérées comme utiles pour prédire le rendement de l’économie, des marchés ou d’un secteur en particulier et, donc, leurs prévisions de bénéfices (ou les résultats de bénéfices, ou même le rendement du cours de l’action) ont parfois plus d’influence sur la confiance des investisseurs.
Fait intéressant, le terme anglais « bellwether » tire son origine du monde des bergers. Les bergers prenaient un mouton mâle, souvent appelé « wether » en anglais, plaçaient une cloche autour de son cou et lui confiaient la tâche de diriger le troupeau. C’est lui qui indiquait la voie à suivre au reste du troupeau. Aujourd’hui, nous nous tournons vers ces indicateurs pour trouver des indices sur les tendances à venir.
En raison de sa portée mondiale et de la nature de ses activités, en l’occurrence le transport de marchandises, FedEx est considérée comme un titre baromètre, en ce sens qu’il peut donner une indication de la santé de l'économie mondiale. À la fin de la semaine dernière, FedEx a secoué les marchés en lançant l'avertissement suivant : « Les résultats du premier trimestre ont été affectés par la diminution des volumes mondiaux qui s'est accélérée pendant les dernières semaines du trimestre. Les résultats de FedEx Express ont été particulièrement touchés par la faiblesse macroéconomique en Asie et les problèmes de services en Europe… »1 FedEx a ajouté que « … les tendances macroéconomiques se sont grandement détériorées plus tard au cours du trimestre, tant à l'échelle internationale qu'aux États-Unis. »1 Cela a assombri les perspectives boursières, car les craintes d’un grave ralentissement économique mondial ont augmenté.
Le coupable? Il s’agit en grande partie du resserrement des politiques monétaires des banques centrales en réaction à l’inflation.
Hausse des taux d’intérêt
Comme l’a expliqué la Banque mondiale la semaine dernière en publiant une étude sur les politiques utilisées pour lutter contre l’inflation : « Les banques centrales du monde entier ont augmenté les taux d’intérêt cette année avec un degré de synchronisation jamais observé au cours des cinq dernières décennies… »2 David Malpass, président de la Banque mondiale, a non seulement tiré la sonnette d’alarme sur le ralentissement brutal de la croissance mondiale, mais a utilisé l’étude pour plaider en faveur d’un changement de mode d’intervention monétaire pour lutter contre une inflation élevée en disant ceci : « Pour parvenir à de faibles taux d’inflation, à la stabilité monétaire et à une croissance plus rapide, les responsables publics devraient réorienter leurs priorités, afin de s’attacher non pas à réduire la consommation mais à augmenter la production. Ils devraient aussi chercher à générer des investissements supplémentaires et à améliorer la productivité et la répartition du capital, des conditions essentielles pour la croissance et la réduction de la pauvreté. »2
Les recommandations de l’étude de la Banque mondiale vont fort probablement tomber dans l’oreille d’un sourd, mais on peut espérer qu’à sa prochaine réunion cette semaine, la Fed ne se contentera pas de penser au plus récent rapport sur l’indice des prix à la consommation américain, qui a déclenché un repli boursier la semaine dernière, mais peut-être pourrait-elle penser, ne serait-ce qu’un peu, aux avertissements de la Banque mondiale et de FedEx, entre autres.
Indicateurs techniques
Beaucoup d’investisseurs cherchent des signes qui pourraient leur indiquer quand le repli boursier sera terminé. Un indicateur clé est l’indice VIX; traditionnellement, lorsque cet indice a chuté sous la barre des 40 points, cela était considéré comme un indicateur fiable d’un creux du marché. Or, il oscille actuellement autour de 26 points, ce qui est loin de là où les observateurs du marché aimeraient le voir.3 De son côté, l’indice S&P 500 est tombé en dessous de 3 900 points vendredi, ce qui est considéré comme un niveau de support technique clé; cela est perçu comme un autre signe que le marché n’a pas encore touché le fond.3
Alors, peut-on espérer un redressement des marchés boursiers à court terme? Voyant à quel point les marchés ont été stimulés par les interventions de la banque centrale cette année, en particulier le resserrement de la Fed, je dirais que oui. Je crois toujours que la Fed peut être le catalyseur d’un redressement des marchés américains et mondiaux si elle adopte une attitude moins belliciste. Bien qu’il soit peu probable que cela puisse se produire cette semaine, étant donné qu’une autre hausse de taux de 75 points de base semble être un fait accompli (ou j’irais même jusqu’à dire un « Fed accompli ») - je crois qu’on peut encore espérer un léger pivot.
N’oubliez pas que nous recevrons mercredi un « trifecta » de messages de la Fed : la décision concernant la hausse des taux, le « dot plot » et la conférence de presse. La décision comme telle sera peut-être le moins important des messages, car les marchés veulent savoir ce qui va arriver, c’est la raison pour laquelle les investisseurs vont s’intéresser davantage au dot plot et à la conférence de presse. Le dot plot sera peut-être moins belliciste que prévu ou, ce qui est encore plus probable, nous aurons droit à un discours moins belliciste du président du conseil de la Fed, Jay Powell, à sa conférence de presse. Pour moi, cela serait un signal beaucoup plus significatif du rendement à court terme des marchés boursiers qu'un avertissement sur les bénéfices d’un titre baromètre ou un indicateur technique.
Conclusion
Je tiens à préciser que la lectrice de cartes de tarot n’a jamais prédit que la fille de l’amie de ma mère resterait célibataire. Les bergers vous diront que certains moutons sont meilleurs que d’autres pour mener le troupeau et les indicateurs techniques sont plus précis dans certaines conjonctures. Mais surtout, il faut savoir que le marché boursier n’est pas très efficient à court terme, il se comporte plus souvent comme une « machine à voter » à court terme, plutôt que comme une « machine à peser » à long terme.
J’espère peu importe ce que nous disent les « signes » et que la Fed fasse ou non un léger pivot, que les porteurs de titres qui ont un horizon temporel plus long conserveront un portefeuille bien diversifié entre et au sein des trois principales catégories d’actifs (actions, obligations et produits alternatifs), sans égard au bruit et à la nervosité issus de la conjoncture actuelle.