Permettez-moi de poursuivre sur un thème que j’ai abordé ces dernières semaines, à savoir que les marchés demeurent sur une trajectoire d'attente à l’égard de plusieurs enjeux clés. À ce sujet, nous avons eu la réponse à certaines questions la semaine dernière.
En particulier, nous avons assisté à plusieurs changements géopolitiques au cours des sept derniers jours :
- La première ministre britannique a démissionné. Quelques jours seulement après avoir remplacé le chancelier de l’Échiquier et fait marché arrière sur le mini-budget proposé, la première ministre britannique, Liz Truss, a démissionné. L’attention s’est immédiatement tournée vers des remplaçants potentiels et c’est Rishi Sunak qui a remporté le vote et qui sera le prochain premier ministre. Bien qu’il reste encore de nombreux éléments inconnus, nous savons que Jeremy Hunt restera à son nouveau poste de chancelier de l’Échiquier. Étant donné que c’est le budget proposé qui a provoqué la réaction extrême des marchés, je suis confiante qu’étant donné que M. Sunak a aussi été chancelier de l’Échiquier et que M. Hunt a occupé plusieurs postes au sein du Cabinet, le nouveau premier ministre va éviter de causer des surprises aux marchés. Bien que la tâche soit loin d'être facile pour M. Sunak, je soupçonne que son gouvernement aura désormais la confiance des marchés.
- L’Italie a une nouvelle première ministre. La nouvelle première ministre de l’Italie, Giorgia Meloni, a pris les rênes et a voulu se montrer rassurante. Ces derniers jours, elle a rencontré le président français Emmanuel Macron, qui partage son intérêt à encourager l'Allemagne à soutenir les subventions énergétiques. Plus important encore, elle semble avoir reculé sur sa position anti-UE ces dernières semaines. Elle a fait une déclaration coup de poing concernant la politique étrangère de l'Italie la semaine dernière. Elle a dit ceci : « J'ai été et je serai toujours claire, j'ai l'intention de diriger un gouvernement doté d’une politique étrangère claire et sans équivoque. L'Italie fait partie intégrante de l'Europe et de l'Alliance atlantique. Ceux qui ne partagent pas cette orientation fondamentale ne pourront pas faire partie du gouvernement, même si le prix à payer est de ne pas avoir de gouvernement. Tant que nous serons au pouvoir, l'Italie ne sera pas le maillon faible de l'Occident.”1
- Le congrès du Parti communiste chinois est terminé. À l’issue de cette importante réunion, il y a des choses que l’on sait et d’autres que l’on ignore :
o La Chine entend poursuivre sa « modernisation à la chinoise » en mettant l'accent sur la technologie, l'industrialisation et la fabrication de pointe. À mon avis, cela devrait jouer en faveur de l’économie chinoise à plus long terme.
o La Chine va poursuivre sa vision de « prospérité partagée ». Cela signifie que l’accent sera davantage mis sur l’augmentation des revenus des ménages à faible revenu afin d’élargir la classe moyenne et d’accroître les revenus des ménages via des actifs financiers provenant de diverses sources. À mon avis, cela devrait également soutenir l’économie chinoise.
o Il y a eu quelques changements de leadership dans les hautes sphères du gouvernement. Tout changement apporte de l’incertitude, mais il semble y avoir eu une réaction extrême à l’annonce de ces changements. J’anticipe une volatilité accrue à court terme, d’ici à ce que les investisseurs s’habituent à ces changements de leadership.
Qu’avons-nous appris de la période de déclaration des bénéfices?
La période de déclaration des bénéfices est prometteuse jusqu’à présent, ce qui a contribué à l’optimisme récent du marché, mais ce n’est que le début car seulement environ 20 % des entreprises du S&P 500 ont divulgué leurs résultats.2 Environ 70 % des entreprises ont dépassé les attentes en matière de bénéfices (mais la plupart de ces attentes avaient déjà été révisées à la baisse) et elles sont concentrées dans quelques secteurs d’activité.2
Je prévois quelques déceptions; cette période de déclaration des bénéfices va favoriser les investisseurs qui ont su choisir les bons titres et les bons secteurs. Tout dépendant du secteur d’activité, certaines entreprises sont en mesure de refiler la hausse des coûts à leurs clients et d’autres pas.
Comment la Réserve fédérale américaine va-t-elle réagir?
Le facteur déterminant des marchés américains, et dans une large mesure des marchés mondiaux, demeure la Réserve fédérale américaine (Fed) et l’anticipation de sa réaction.
Nous avons assisté à un redressement des marchés à la fin de la semaine dernière, parce que les investisseurs s’attendaient à ce que la Fed change bientôt de cap. La présidente de la Réserve fédérale de San Francisco, Mary Daly, a soutenu ce point de vue en tenant ces propos : « il est vraiment difficile d’abandonner en ce moment... Nous ne sommes pas encore arrivés à bon port ». Puis, elle a ajouté que : « le moment est venu de lâcher prise. Le moment est venu de commencer à parler de ralentir le rythme rapide des hausses de taux. »3
Il faut voir la réalité en face
Je ne comprends pas encore ce redressement des marchés. J’attends impatiemment un changement de cap de la Fed depuis un bon moment déjà – dire que j’accueillerais un tel changement avec joie serait un euphémisme – mais, à la lumière de ces propos, je doute que cela se produise bientôt. M. Daly nous a dit ce que nous savions déjà; elle veut se distancer des hausses de taux de 75 points de base, mais les statistiques ne lui donnent pas raison.
Cela ressemble à la lueur d'espoir qui nous est apparue à l’issue du procès-verbal de la réunion de septembre du Federal Open Market Committee : Plusieurs membres du FOMC ont noté que « particulièrement dans la conjoncture économique et financière mondiale actuelle très incertaine, il serait important de bien calibrer la cadence du resserrement de la politique monétaire pour atténuer les risques d’effets négatifs majeurs sur les perspectives économiques. »4
Pour ce faire, il faudrait que les statistiques soient favorables, ce qui n’est pas encore le cas. Nous continuons plutôt de recevoir des signes qui montrent que l'économie américaine n’a pas encore suffisamment refroidi. Lors du dévoilement de leurs bénéfices la semaine dernière, d’autres grands transporteurs aériens ont parlé d'une forte demande qui, selon eux, devrait se maintenir, et le PDG d'une grande banque a déclaré ceci : « Les consommateurs américains qui font affaire avec nous sont demeurés résilients et ils continuent de dépenser beaucoup d’argent, mais moins qu'avant, et ont encore beaucoup d’argent dans leurs comptes”.5 Cela ne signifie pas que l'économie américaine ne se refroidira pas rapidement, d’autant plus que nous avons vécu une série de fortes hausses de taux, mais je soupçonne que les dirigeants de la Fed seront parmi les derniers à s’en apercevoir.
Je crois que, quel que soit le taux final, cette situation ne durera plus très longtemps. La Fed devra probablement commencer à réduire ses taux peu après avoir atteint le taux final, surtout s’il atteint 5 % ou plus. C’est peut-être la chose la plus positive que je puisse dire à propos de ce cycle de hausse des taux.
À court terme, je crois que les titres à caractère défensif vont mieux performer. Cependant, à mon avis, les investisseurs qui ont un horizon temporel plus long et des liquidités devraient au moins commencer à penser à effectuer des achats périodiques par sommes fixes et cela vaut tant pour les actions, que les titres à revenu fixe et les produits alternatifs.
Voici ce que nous allons surveiller
Cette semaine, nous aurons des nouvelles de la Banque du Canada et de la Banque centrale européenne. Les données qui seront rendues publiques vont aider la Fed et la Banque d’Angleterre dans leurs décisions la semaine prochaine. Évidemment, je porterai une attention particulière aux bénéfices.
Cette semaine, de nombreuses sociétés technologiques vont procéder à des annonces de bénéfices. La hausse des coûts et la force du dollar américain sont les éléments les plus susceptibles de nuire aux résultats de ces entreprises. À mon avis, les sociétés technologiques sont plus vulnérables que d’autres secteurs étant donné leur exposition substantielle aux revenus étrangers. Cependant, je me concentrerai davantage sur les perspectives, notamment sur ce que les entreprises entrevoient pour le quatrième trimestre et à plus long terme.