Marchés et économie

Au-dessus de la mêlée : Changement de cap ou panique?

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Points importants à retenir
Les élections de mi-mandat aux États-Unis et les marchés
1

Les investisseurs sont portés à croire que les résultats des élections sont importants pour l'économie et les marchés, mais les données disent le contraire.

La Fed surveille la situation
2

L'inflation a diminué, mais pas à un rythme suffisant pour apaiser la Réserve fédérale américaine (Fed). 

Les États-Unis se dirigent-ils vers une récession?
3

L’inflation élevée et le resserrement de la politique monétaire marquent habituellement la fin d’un cycle. Une récession semble se profiler à l’horizon. 

Nous vous remercions de votre fidélité à notre bulletin Au-dessus de la mêlée. Je ne voulais pas intentionnellement lancer un nouveau commentaire mensuel alors que « rien ne va plus sur les marchés » mais, tout bien considéré, le choix du moment est impeccable. Un repli généralisé de la plupart des catégories d’actifs n’est pas l’idéal pour les comptes de retraite et les régimes d’épargne-études, mais on me dit que plus de gens lisent nos commentaires pendant les périodes d’incertitude. En réalité, il y a toujours de l’incertitude mais, je dois avouer que nous sommes en présence d’une confluence de facteurs qui préoccupent les investisseurs. Notre rôle consiste justement à les rassurer. Je ratisse large ce mois-ci mais, en toile de fond, une question de plus en plus pressante se pose : la Réserve fédérale américaine (Fed) va-t-elle changer de cap avant que les marchés se mettent à paniquer? Essayons une fois de plus de nous élever au-dessus de la mêlée et de mettre tout cela en perspective.

Stratégie qui mise sur la simplicité

1)  À quelle étape du cycle en sommes-nous?

Le marché du travail américain est encore trop dynamique. L’économie américaine a créé 263 000 emplois en septembre.1 L’inflation est encore trop élevée. En septembre, le taux d’inflation de base aux États-Unis était en hausse de 6,6 % par rapport à l’année précédente.2 L’inflation élevée et le resserrement de la politique monétaire marquent habituellement la fin d’un cycle. Une récession semble se profiler à l’horizon aux États-Unis.

2)  Où s’en va l’économie américaine?

Vers une contraction. Les conditions financières se resserrent et les indicateurs avancés suggèrent que l’économie américaine connaîtra une croissance inférieure à la tendance et va ralentir.

3)  Comment réagira la Fed en matière de politique monétaire?

(Soupir) Va-t-elle poursuivre son resserrement? Avant le rapport sur l’inflation de septembre, le marché avait fixé le taux final des fonds fédéraux à environ 4,5 %. Il est désormais plus près de 5 %.3

 Au risque de me répéter, nous arrivons à la même conclusion que le mois dernier. Du point de vue tactique, je privilégie encore un profil de faible risque et une stratégie plus défensive à court terme. Nous investirions dans des obligations de qualité et des entreprises capables de générer des liquidités et de la croissance dans une conjoncture de ralentissement. La contraction ne durera pas éternellement et, croyez-moi, je vous signalerai les signes de reprise dès que j’en verrai.

Le débat qui fait rage aux États-Unis

C'est l'heure des élections de mi-mandat aux États-Unis! Nate Silver a dit ceci : « Malheureusement, les élections de mi‑mandat sont souvent terriblement ennuyeuses ». Pas cette fois-ci. Cette année, le taux de participation aux élections de mi-mandat devrait atteindre un sommet record, proche de celui des élections présidentielles.

Comme le disait James Carville au début des années 90, « le véritable enjeu, c’est l’économie, pauvre imbécile ». C’est encore vrai aujourd’hui — 80 % des Américains ont cité l’inflation comme le problème le plus important à l’approche des élections de mi-mandat.4

Comment savoir à quel parti imputer le blâme pour l’inflation? On pourrait facilement blâmer l’un ou l’autre :

L'argument des gens de gauche : Le président Trump a injecté 4 000 milliards de dollars dans l'économie et a exercé des pressions sur le président du conseil de la Fed pour qu’il maintienne les taux bas. De plus, l'inflation ne se limite pas aux frontières des États-Unis. Elle frappe partout.

L'argument des gens de droite : Le président Biden a dépensé 2 000 milliards de dollars supplémentaires alors que l'économie avait déjà commencé à se redresser. Par sa faute, les prix de l'essence et de la nourriture ont monté en flèche.

Je m'attends à ce qu’à tort ou à raison, le blâme retombe sur le président en poste et son parti. De toute façon, les élections de mi-mandat ont toujours été cruellement injustes pour le parti au pouvoir.

Est-ce vraiment important? Les investisseurs sont portés à croire que les résultats des élections sont importants pour l'économie et les marchés. Les données disent le contraire.

Pour ce que ça vaut, voici le produit intérieur brut (PIB) réel trimestriel médian des États-Unis sous différentes compositions de gouvernement depuis 1946 :5

  • Régime uniquement républicain : 3,6 %
  • Régime uniquement démocrate : 4,4 %
  • Gouvernement divisé : 3,7 %

Ça ne nous avance pas vraiment.

Quelqu’un a dit

« (La hausse rapide des taux d'intérêt pour contrôler l'inflation), ce n’est pas rien qu’appuyer sur les freins, c'est freiner en catastrophe. L'économie s’apprête à passer à travers le pare-brise et peut-être même le système financier. »6 – Mohamed El-Erian, conseiller économique en chef chez Alliance

« Les décideurs sont confrontés à un trilemme. Ils doivent lutter contre l'inflation, soutenir la croissance et prévenir une crise financière. »7 – Jonathan Ferro, co-animateur de Bloomberg Surveillance

C’est là où le bât blesse. L'inflation aux États-Unis a diminué, mais pas à un rythme suffisant pour apaiser la Fed. Le resserrement se poursuit. Comme le dit le dicton : « il y a toujours des perdants quand les taux augmentent ».

  • Avril 1990 : Krach du Nikkei / Crise des sociétés d’épargne et de crédit
  • Novembre 1994 : Crise du peso mexicain
  • Août 1996 : Crise monétaire asiatique
  • Janvier 2000 : Krach du NASDAQ
  • Mai 2006 : Crise du logement
  • Mai 2010 : Crise de la dette européenne
  • Décembre 2013 : Turbulences dans les marchés émergents
  • 2022 : « Rien ne va plus » sur les marchés

Les investisseurs n’ont plus qu’à attendre la proverbiale pause dans le cycle de resserrement de la Fed. Viendra-t-elle parce que l'inflation a baissé ou parce que quelque chose s’est brisé? Changement de cap ou panique? Ce sont-là deux résultats très différents pour les marchés financiers.

C'est peut-être un biais de confirmation...

… mais chaque fois que l'inflation culmine, elle semble redescendre rapidement et les actions ont tendance à bien performer au cours des deux années qui suivent.

Rendement des marchés boursiers américains après un pic d’inflation

Indice des prix à la consommation aux États-Unis et rendements cumulatifs sur 1 et 2 ans de l'indice Dow Jones Industrial Average Total Return (DJIA TR) après un pic d'inflation supérieur à 6 %

Sources : Bloomberg et U.S. Bureau of Labor Statistics, 30/09/2022. Pics d'inflation : mars 1947, avril 1951, décembre 1974, mai 1980 et novembre 1990. Le Dow Jones Industrial Average est un indice boursier qui regroupe 30 sociétés de premier plan cotées en bourse aux États-Unis. Il n’est pas possible d’investir directement dans un indice. Les rendements passés ne sont pas garants des résultats futurs.

Sur la route

Ce mois-ci, mes voyages m’ont amené à Minneapolis pour le congrès annuel de la Financial Planning Association. Ce congrès avait pour thème Le grand débat économique et les participants étaient David Kelly de J.P. Morgan, Jim Paulsen de The Leuthold Group et moi-même. Je vais être honnête avec vous, à 20 ans, je ne me se serais pas attendu à me retrouver sur cette scène.

Disons simplement que nos points de vue étaient largement congruents. Voilà pour le débat. L’un des moments forts de la session pour moi a été lorsque Jim Paulsen s’est levé pour faire sa présentation après la mienne et qu’il a dit : « Idem ». L’auditoire a bien rigolé. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser au général George Patton et à sa fameuse boutade : « Si tout le monde pense la même chose, alors quelqu’un ne pense pas. Ce n’est pas tombé dans l’oreille de sourds, nous avons tous eu cette réflexion.

Nous étions tous d’accord pour dire ceci :

  1. La guerre contre l'inflation aux États-Unis ne durera pas éternellement.
  2. La Fed finira par aller trop loin. L'inflation n'est pas structurelle. M. Kelly a demandé pourquoi la Fed est dépendante des données. N'a-t-elle pas des modèles pour établir des prévisions? Si nous trois voyons les problèmes que pose un resserrement qui mène à une contraction mondiale, pourquoi ne les voit-elle pas? Excellentes questions.
  3. Une récession aux États-Unis est probable et le risque d'accident va en augmentant. C’est à ce moment-là que la Fed va changer de cap.
  4. Les valorisations des actions et des titres à revenu fixe sont désormais plutôt attrayantes. Comme l’illustre mon premier graphique, les marchés américains ont tendance à bien se porter après un pic d'inflation, même en situation de récession.

J'attends déjà avec impatience le congrès de l'an prochain. David, si vous lisez ceci, j’aimerais savoir si vous avez fait votre présentation à vos clients en envoyant un hologramme de vous-même à Las Vegas. C'est plutôt chouette. Votre hologramme a-t-il pu profiter des fabuleux restaurants et clubs de Las Vegas? C’est un ami qui m’a demandé de vous poser la question.

Vu que vous avez posé la question

L’inflation aux États-Unis pourrait-elle vraiment tomber sous la barre des 4 % au cours de la prochaine année? Si oui, comment et quand? Comme le dirait si bien le personnage bien connu de Chevy Chase, Irwin M. « Fletch » Fletcher : « Voyons les gars, c’est pourtant simple. Peut-être avez-vous besoin d’un cours de rattrapage. Tout est (une question de mathématiques) de nos jours. »

Heureusement, ce calcul devrait être plus facile à faire que celui de la facture de M. Underhill. Supposons un taux d’inflation mensuel de 0,3 % au cours de la prochaine année aux États-Unis. Pourquoi 0,3 %? C’est environ la moitié du taux d’inflation mensuel moyen au cours des neuf premiers mois de 2022.8 Je vous rappelle que l’inflation a été stable en juillet, a augmenté de 0,1 % en août et de 0,4 % en septembre, pour une moyenne de 0,26 %.9

Demandons au bon vieux Excel de faire le calcul pour nous :

Faisons le calcul : hypothèses d'inflation aux États-Unis

Les données de septembre 2021 à septembre 2022 sont des données sur l’inflation réelle. À partir d’octobre 2022, nous faisons des calculs pour montrer à quoi ressembleraient des hausses mensuelles de 0,3 % de l’IPC au cours des neuf prochains mois.

Date Indice des prix à la consommation Variation sur 12 mois en pourcentage de l’indice des prix à la consommation

Sep. 2021

274.21

5.4%

Oct. 2021

276.59

6.2%

Nov. 2021

278.52

6.8%

Déc. 2021

280.13

7.0%

Jan. 2022

281.93

7.5%

Fév. 2022

284.18

7.9%

Mars 2022

287.71

8.5%

Avril 2022

288.66

8.3%

Mai 2022

291.47

8.6%

Juin 2022

295.33

9.1%

Juil. 2022

295.27

8.5%

Août 2022

295.62

8.3%

Sep. 2022

296.76

8.2%

Oct. 2022

(296.76*1.003) = 297.65

((297.65/276.59) – 1) = 7.6%

Nov. 2022

(297.76*1.003) = 298.54

((298.54/278.52) – 1) = 7.2%

Déc. 2022

(298.54*1.003) = 299.43

((299.43/280.13) – 1) = 6.9%

Jan. 2023

(299.43*1.003) = 300.33

((300.33/281.93) – 1) = 6.5%

Fév. 2023

(300.33*1.003) = 301.23

((301.23/284.18) – 1) = 6.0%

Mars 2023

(301.23*1.003) = 302.14

((302.14/287.71) – 1) = 5.0%

Avril 2023

(302.14*1.003) = 303.05

((303.05/288.66) – 1) = 4.9%

Mai 2023

(303.05*1.003) = 303.96

((303.96/291.47) – 1) = 4.3%

Juin 2023

(303.96*1.003) = 304.87

((304.87/295.33) – 1) = 3.2%

Source : U.S. Bureau of Labor Statistics, 30/09/2022. À titre d’illustration seulement : ce tableau ne doit pas être interprété comme un conseil en placement ni comme des prévisions.

Le taux d’inflation annuel aura-t-il baissé à 3,2 % d’ici juin? Oui, si vous prenez comme hypothèse une augmentation mensuelle de 0,3 %.

Vous voyez, c’est amusant les mathématiques.

Chanson du mois

Ce mois-ci, j’ai choisi « Wake Me Up When September Ends » (Réveillez-moi à la fin de septembre) de Green Day. Les déboires de septembre se sont poursuivis pendant les premiers jours d’octobre. J’avais peur de regretter d’avoir choisi la chanson de Green Day. Puis, au moment de publier cet article, l’indice S&P 500 semble sur le point d’enregistrer un rendement mensuel positif. Ce sera peut-être un peu plus qu’un rebond de courte durée, car la situation demeure difficile. Néanmoins, je m’attends à une reprise en 2023. À ce moment-là, les investisseurs devraient être bien éveillés et en quête de signes de reprise et d’occasions de placement.

Notes de bas de page

  • 1

    Source : U.S. Bureau of Labor Statistics, 30/09/2022.

  • 2

    Source : U.S. Bureau of Labor Statistics, 30/09/2022.

  • 3

    Source : Bloomberg, 13/10/2022. Tel que représenté par le taux implicite des contrats à terme sur fonds fédéraux.

  • 4

    Source : Pew Research Center, 30/06/2022. Selon les plus récentes données disponibles.

  • 5

    Source : U.S. Bureau of Economic Analysis, 30/06/2022. 

  • 6

    Source : Bloomberg News, « El-Erian Says Economy Is Starting to ‘Go Through the Windshield’ », 11/10/2022

  • 7

    Source: Bloomberg Surveillance 

  • 8

    Source : U.S. Bureau of Labor Statistics, 30/09/2022. L'augmentation mensuelle moyenne de l'indice des prix à la consommation pour les neuf premiers mois de l'année est de 0,63 %.

  • 9

    Source : U.S. Bureau of Labor Statistics, 30/09/2022.