Vont-ils le faire ou pas? Attendons de voir. C’est difficile à dire. Ces phrases résument toujours parfaitement l’année 2025. La géopolitique a dominé l’actualité la semaine dernière, car les tensions au Moyen-Orient sont demeurées élevées, et à l’approche de la fin de semaine, la question qui se posait était la suivante : les États-Unis vont-ils attaquer l’Iran? Ils l’ont fait. Les marchés sont restés calmes. La question qui se pose à présent est la suivante : comment va réagir l’Iran?
La semaine a également été chargée pour les banques centrales, la Réserve fédérale américaine (Fed) ayant maintenu son taux directeur en durcissant le ton, et la Banque d’Angleterre et la Banque du Japon ayant également laissé leurs taux directeurs inchangés, mais en adoptant une posture conciliante. Leur message est toujours le même : « nous avons besoin d’y voir plus clair ».
Les tensions au Moyen-Orient perturbent les marchés pétroliers et gaziers
Le dollar américain s’est stabilisé la semaine dernière, mais n’a pas beaucoup progressé, car les tensions au Moyen-Orient sont demeurées élevées1. Le monde attend maintenant de voir comment l’Iran va réagir aux frappes américaines sur ses sites nucléaires.
Le pétrole et le gaz naturel sont les actifs qui ont le plus augmenté à la suite des événements au Moyen-Orient2. Toutefois, selon nous, pour que les prix des produits de base restent à ces niveaux ou augmentent, l’offre doit baisser considérablement et durablement. C’est possible, mais ce n’est pas notre scénario de base.
L’Iran produit environ 3,3 millions de barils de pétrole par jour. Ce volume peut facilement être remplacé par la capacité excédentaire produite par les autres pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), qui s’élève au total à près de 5,7 millions de barils par jour. À elle seule, l’Arabie saoudite peut produire près de 3 millions de barils de plus par jour3.
L’Iran pourrait bombarder des sites dans la région, notamment celui d’Abqaiq, comme il l’a fait en 2019. Toutefois, la capacité militaire iranienne est maintenant fortement réduite et le fait d’attaquer un autre acteur de la région pourrait renforcer le soutien à Israël. De même, l’Iran pourrait cibler les navires qui traversent le détroit d’Ormuz. Ce bras de mer de 33 kilomètres de large entre Oman et l’Iran voit passer environ 25 % de l’offre mondiale de pétrole4. Cependant, bon nombre des navires qui transitent par ce détroit transportent du pétrole iranien vers la Chine. En toute logique, l’Iran n’a aucun intérêt à perturber les importations de son principal acheteur et allié. Jusqu’à maintenant, les navires continuent de traverser le détroit d’Ormuz à un rythme normal5.
L’Europe, en tant qu’importante importatrice d’énergie, est vulnérable à la hausse des prix du pétrole et du gaz. Nous nous attendons à ce que le pétrole continue de freiner l’inflation en Europe jusqu’en 2025, avec un prix du baril inférieur à 85 $. La majeure partie du gaz naturel que l’Europe achète ne provient pas du Qatar et ne passe donc pas par le détroit d’Ormuz; elle est par conséquent moins vulnérable maintenant qu’en 2022, lorsque les exportations de gaz de la Russie se sont effondrées.
À l’exception du pétrole et du gaz, la plupart des autres marchés financiers n’ont, dans l’ensemble, pas réagi aux événements qui se déroulent au Moyen-Orient. L’histoire montre que c’est peut-être la bonne chose à faire. Par exemple, le conflit entre Israël et le Hamas a commencé le 7 octobre 2023. Depuis, l’indice S&P 500 a progressé de plus de 40 %6.
La Fed maintient son taux directeur et durcit le ton
La Fed n’a pas modifié son taux directeur la semaine dernière. Les commentaires du président de la Fed, Jerome Powell, indiquent que la banque attend toujours de voir l’incidence des diverses politiques de l’administration américaine sur les données économiques objectives. Certes, le marché de l’emploi commence à montrer quelques failles, mais celles-ci ne sont pas encore assez importantes pour inciter la Fed à baisser son taux directeur7.
Selon le sommaire des projections économiques mis à jour, également appelé « graphique à points », le point médian indique toujours des baisses d’un total de 50 points de base d’ici la fin de l’année, mais sept dirigeants ne prévoient désormais plus aucune baisse cette année, soit plus que lors de la réunion de mars8. Ce durcissement du ton de la Fed n’a pas fait grimper le dollar américain9, ce qui est peut-être dû au fait que l’indépendance de la Fed demeure une préoccupation persistante pour certains investisseurs. Donald Trump a demandé une baisse de 250 points de base du taux directeur la semaine dernière.
La Banque d’Angleterre maintient son taux directeur et adopte un ton conciliant
La Banque d’Angleterre n’a pas non plus modifié son taux directeur la semaine dernière, mais sa posture a été plus conciliante. Trois membres votants étaient favorables à une baisse de 25 points de base. Le vice-gouverneur Dave Ramsden s’est joint à Swati Dhingra et Alan Taylor, qui plaident pour une baisse.
Les données sur l’inflation au Royaume-Uni ont été publiées juste avant la réunion de la Banque d’Angleterre et, même si l’inflation a dépassé les attentes, elle ralentit, et l’inflation des services et des salaires est légèrement inférieure aux prévisions de la Banque d’Angleterre10. Si l’on ajoute à cela la récente faiblesse des offres d’emploi, on comprend pourquoi un plus grand nombre de membres estiment qu’il est justifié de préconiser une baisse11. Les données publiées vendredi ont montré que les volumes de ventes au détail ont été plus faibles que prévu en mai, à -1,3 %, comparativement à +1,8 % selon les prévisions consensuelles de Bloomberg12. Le marché prévoit deux baisses de taux pour le reste de l’année, mais, selon nous, il est très probable qu’il y en ait trois13.
La Banque du Japon maintient son taux directeur et adopte un ton conciliant
La Banque du Japon a également maintenu son taux directeur inchangé la semaine dernière. Encore une fois, l’incertitude autour de l’économie mondiale semble inciter les décideurs à conserver une approche attentiste. Récemment, le taux des obligations à 30 ans au Japon a bondi, et les décideurs craignent de provoquer une autre vague de ventes massives14. Parallèlement, la Banque du Japon a indiqué qu’elle allait ralentir ses achats d’obligations.
Baisse inattendue de la Norges Bank et baisse prévue de la Banque nationale suisse
La semaine dernière, la Norges Bank a surpris en abaissant son taux directeur de 25 points de base, une baisse que n’avaient pas anticipée les analystes. La Norvège était en retard sur ce cycle de réduction des taux; la baisse de la semaine dernière a été la première. Comme prévu, la Banque nationale suisse a abaissé son taux directeur de 25 points de base. La Suisse fait figure d’exception, car l’inflation est exceptionnellement faible et persistante actuellement.
Le Canada n’attend pas pour vendre des titres du Trésor américain
De plus en plus de signes indiquent que les étrangers commencent à voter avec leur portefeuille en ce qui concerne les actifs américains, mais ils procèdent lentement. Les données de la semaine dernière ont également montré que les investisseurs étrangers ont légèrement réduit leurs placements dans les actions et les titres à long terme américains d’un peu moins de 90 milliards de dollars. Le Canada est le pays qui a vendu le plus de titres du Trésor américain en avril. Il en a vendu plus qu’au cours des mois précédents et plus que tout autre pays15. Ce retrait n’est pas une fuite de capitaux totale des États-Unis, mais semble indiquer que la confiance à l’égard des États-Unis s’effrite. Il y a peu de raisons de croire que cette tendance ne pas va continuer au cours de la prochaine année.