Marchés et économie

Au-dessus de la mêlée : L’incertitude à l’égard des politiques persiste

Homme d’affaires dans un café vide tenant une tablette numérique.
Points importants à retenir
Prévoir l’évolution du marché
1

Le marché connaît ses meilleurs jours presque toujours lors des pires moments1. Les rater peut sérieusement miner le rendement à long terme.

Diversification
2

Une approche raisonnable pourrait être de diversifier les placements vers des segments du marché qui ne semblent pas surévalués, comme les actions de valeur, les actions à moyenne capitalisation et les actions européennes.

Incidence des droits de douane
3

La Réserve fédérale devrait être disposée à réagir à la faiblesse de l’économie tant que les prévisions en matière d’inflation à long terme demeurent ancrées.

Le marché obligataire reste invaincu. Une hausse de 50 points de base du taux des obligations du Trésor américain à 10 ans sur une période de cinq jours a suffi pour que l’administration Trump suspende ses droits de douane réciproques2. Les marchés ont exprimé leur soulagement (ou se sont affolés comme s’ils avaient vu apparaître le « Chicken Jockey » du film Minecraft) en apprenant (en espérant?) qu’il y avait là un sujet de préoccupation pour l’administration3. Comme James Carville l’a si bien dit : « S’il y avait une réincarnation, j’aimerais revenir en tant que marché obligataire. Vous pouvez intimider tout le monde. » Personnellement, je choisirais probablement encore Tom Brady ou Bruce Springsteen, mais je suis peut-être partial en tant qu’ancien étudiant du Michigan et résident du New Jersey.

À propos de Springsteen, les investisseurs croient-ils encore en la Terre promise? Le pessimisme à l’égard des États-Unis est devenu une position à la mode (et facile). L’incertitude à l’égard des politiques persiste et, plus il faut du temps pour négocier des accords commerciaux avec la plupart des pays, plus la confiance et les placements en pâtissent. Si j’ai eu de la difficulté à préparer l’édition Au-dessus de la mêlée de ce mois-ci, je ne peux qu’imaginer les défis auxquels sont actuellement confrontés les chefs d’entreprise. Qui plus est, les marchés ont rapidement pris en compte le sujet de préoccupation, mais pourraient ne pas tenir compte d’une récession4.

Il n’est pas nécessaire d’avoir un diplôme supérieur en économie et en commerce international pour reconnaître les défis auxquels l’économie américaine est confrontée. Les droits de douane et les guerres commerciales produisent des résultats économiques moins optimaux, purement et simplement. Il est peut-être alors plus intéressant de parler de ce qui pourrait bien marcher. Si vous êtes à l’origine d’une crise, alors vous pouvez également agir pour y remédier, mais cela fonctionnera-t-il? Une vague de déréglementation pourrait-elle permettre un nouvel afflux de capitaux vers les États-Unis?

Pour l’instant, le problème est que nous agissons tous selon les caprices de la Maison-Blanche. Une approche raisonnable pourrait être de diversifier les portefeuilles vers des segments du marché qui ne semblent pas surévalués, notamment les actions de valeur, les actions à moyenne capitalisation et les actions européennes5. Non seulement elles pourraient enregistrer des rendements supérieurs relatifs si les évaluations boursières s’ajustent davantage, mais elles pourraient aussi profiter d’une plus grande clarté des politiques.

Message d’intérêt public

Il est insensé de prévoir l’évolution du marché. Pour mieux comprendre cela, réfléchissez à ce que vous avez ressenti le matin du mardi 24 mars 2020, soit 11 jours après le début du confinement causé par la COVID-19 et après une baisse de 34 % de l’indice S&P 5006. Ou pensez au matin du mercredi 9 avril 2025, une semaine après le Jour de la libération de M. Trump et après une baisse de 19 % de l’indice S&P 500 par rapport à son sommet7.

Ces jours ont été respectivement le quatrième et le troisième meilleurs jours de rendement de l’indice S&P 500 au cours des 30 dernières années, une période au cours de laquelle le marché a produit des rendements annualisés de 10,0 %8. Le marché connaît presque toujours ses meilleurs jours dans les pires moments. Rater ces meilleurs jours pourrait sérieusement miner le rendement à long terme.

Si vous pensez que je suis trop optimiste cette fois-ci, n’oubliez pas que la période de 30 ans mentionnée ci-dessus comprend la débâcle technologique, les événements du 11 septembre, la crise financière mondiale et la COVID-19, pour n’en nommer que quelques-uns.

On a dit (partie 1)

« … j’ai un déficit commercial avec mon épicerie. » – Sénateur Rand Paul9

Le sénateur Paul a emprunté une phrase au lauréat du prix Nobel Robert Solow, qui a dit un jour avec humour : « J’ai un déficit chronique avec mon coiffeur, qui ne m’achète rien du tout. » Le commerce n’est pas un jeu à somme nulle où il y a forcément un perdant. C’est le contraire. Il y a commerce parce que les deux parties en tirent un bénéfice mutuel. Par exemple, depuis que la Chine a rejoint l’Organisation mondiale du commerce en 2001, le produit intérieur brut réel du monde a presque doublé pour atteindre plus de 93 000 milliards de dollars, la grande partie de cette croissance étant attribuable à la Chine10. Les États-Unis représentaient alors 26 % de l’économie mondiale, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Le gâteau s’est agrandi, et la part des États-Unis a augmenté proportionnellement10.

On a dit (partie 2)

« Il peut y avoir un RALENTISSEMENT de l’économie à moins que “Monsieur le retardataire”, cet immense perdant, ne baisse les taux d’intérêt, MAINTENANT » – le président Donald Trump parlant du président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell

L’évolution du marché le lundi 21 avril – une rare combinaison d’actions américaines, d’obligations du Trésor américain et de l’indice du dollar américain, tous en baisse11 – a envoyé un signal clair que le risque pour l’indépendance de la Réserve fédérale a une incidence négative sur toutes les grandes catégories d’actif. Ce qui me préoccupe, c’est que si M. Trump limoge M. Powell, le marché pourrait se concentrer sur les craintes de récession plutôt que sur les craintes de stagflation, ce qui se traduirait probablement par des résultats nettement pires pour les actions américaines. J’espère que M. Trump n’a pas l’intention de limoger M. Powell, mais qu’il se prépare plutôt à le rendre responsable du ralentissement imminent de la croissance économique.

Il peut s’agir d’un biais de confirmation, mais…

… le marché ne s’attend pas à une stagflation. Le marché estime plutôt que les droits de douane entraîneront un choc ponctuel sur les prix plutôt qu’une inflation généralisée. En fait, le taux d’inflation neutre sur 5 ans dans 5 ans, qui reflète les prévisions en matière d’inflation du marché obligataire sur une période de cinq ans qui commence dans cinq ans, a d’abord baissé après le Jour de la libération et demeure inférieur à la moyenne à long terme12. La Réserve fédérale sera disposée à réagir à toute faiblesse de l’économie tant que les prévisions en matière d’inflation à long terme demeurent ancrées.

Points de vue de l’autre côté de l’Atlantique

Bienvenue dans cette nouvelle rubrique où je me tourne vers mon collègue britannique Ben Jones, directeur de la recherche macroéconomique d’Invesco, pour connaître son point de vue depuis l’autre côté de l’Atlantique. M. Jones et moi, nous allons être de grandes vedettes.

Brian : Il y a moins de 10 ans, j’appelais mes amis britanniques pour leur demander ce qu’ils pensaient du Brexit. Aujourd’hui, mon téléphone sonne. Y a-t-il un terme britannique équivalent à schadenfreude?

Ben : Je ne me réjouis pas de votre malheur, mon ami. Malheureusement, le parallèle avec le Brexit est évident et je crains que, à l’image de ce que nous avons vécu après 2016, les États-Unis ne connaissent une longue période de sorties de capitaux et de faiblesse de leur monnaie. Mais ne vous inquiétez pas, ce n’est pas existentiel. Le Royaume-Uni demeure un pays où il fait bon vivre. Vous pourriez commencer à envisager d’accroître votre exposition aux actions britanniques maintenant.

Brian : J’en ai pris note. Je suis d’accord avec le parallèle établi avec le Brexit, qui a donné lieu à des rendements modestes pour les actions britanniques pendant une décennie, mais pas à un désastre13. Qu’en est-il de la récente flambée des taux des obligations du Trésor américain? Cela vous a-t-il rappelé le « moment Liz Truss » en 2022 au Royaume-Uni14?

Ben : Des sueurs froides, Brian. Les vigiles du marché obligataire ont frappé plus durement le Royaume-Uni en 2022, mais il est clair que la qualité de « valeur refuge » des obligations du Trésor américain est remise en question. Compte tenu des incertitudes accrues en matière d’inflation et de croissance, je pense que la prime de durée du Trésor américain devrait augmenter.

Brian : Croyez-vous que l’ère de l’exceptionnalisme américain est terminée?

Ben : À mon avis, la surperformance des actifs américains est chose du passé. Ce point de vue semble faire l’unanimité de ce côté-ci de l’Atlantique, mais ce que je constate, c’est que les investisseurs commencent tout juste à modifier leurs positions. J’en suis fermement convaincu, mais il m’arrive de me tromper. Avez-vous des raisons pour lesquelles je devrais reconsidérer ma sous-pondération des actions américaines, des obligations du Trésor américain et ma position à découvert du dollar américain?

Brian : J’ai du mal à parier à long terme contre l’ingéniosité des entreprises américaines. Cela dit, vous avez raison de dire que les investisseurs commencent tout juste de modifier leurs positions. Il semble que le moment soit bien choisi pour diversifier une partie des portefeuilles vers des actifs non libellés en dollars.

Ben : Je suis d’accord. Comme le dollar est sous pression, je vous rendrai visite cette année au lieu que vous veniez ici.

Brian : La première pinte est pour moi.

Comme vous l’avez demandé…

Q. : La récente flambée des taux des obligations du Trésor américain a-t-elle marqué le début d’une fuite massive des actifs américains? Le dollar américain risque-t-il de perdre son statut de monnaie de réserve?

R. : La flambée des taux semble avoir été de nature plus technique, y compris le dénouement de ce qu’on appelle les opérations sur la base. En fait, le taux des obligations du Trésor américain à 10 ans n’est que légèrement supérieur à la moyenne des deux dernières années15. Pour ce qui est du statut de monnaie de réserve, il ne semble pas y avoir de solution de rechange viable au dollar américain.

Sur la route

Mes voyages m’ont amené à Los Angeles, à la conférence Barron’s Top Teams. Mon vol a eu lieu le mercredi 9 avril, le jour où les droits de douane réciproques ont été suspendus. Heureusement, l’avion était équipé d’une connexion Wi-Fi, sinon j’aurais gaspillé mes efforts sur un travail qui aurait été immédiatement caduc.

Notes de bas de page

  • 1

    Source : Bloomberg L.P., du 1er janvier 1994 au 31 décembre 2024. Environ 15 % des meilleurs jours ont été enregistrés durant la débâcle technologique (du 28 févr. 2000 au 30 nov. 2002); environ 40 % durant la grande crise financière (du 30 oct. 2007 au 31 mars 2009); –25 % durant la COVID-19 (du 31 janv. 2020 au 31 déc. 2022).

  • 2

    Source : Bloomberg L.P., au 17 avril 2025. Le taux des obligations du Trésor américain à 10 ans est passé de 3,99 % le 4 avril à 4,49 % le 11 avril. 

  • 3

    Source : Bloomberg L.P., au 17 avril 2025, sur la base du rendement de 9,5 % de l’indice S&P 500 au 9 avril 2025.

  • 4

    Source : Bloomberg L.P., au 17 avril 2025, selon le ratio cours/bénéfice de l’indice S&P 500.

  • 5

    Source : Bloomberg L.P., au 17 avril 2025, selon les ratios cours/bénéfice de l’indice de valeur Russell 1000 (17,9x), de l’indice Russell Midcap (19,5x) et de l’indice MSCI Europe (14,2x). Le ratio cours/bénéfice actuel de l’indice S&P 500 est de 22,6.

  • 6

    Source : Bloomberg L.P. L’indice S&P 500 a reculé de 34 % entre son sommet et son creux entre le 19 février 2020 et le 23 mars 2020. 

  • 7

    Source : Bloomberg. L’indice S&P 500 a reculé de 19 % entre son sommet et son creux entre le 19 février 2025 et le 8 avril 2025.

  • 8

    Source : Bloomberg L.P., au 21 avril 2025, selon le rendement de l’indice S&P 500 du 21 avril 1995 au 21 avril 2025.

  • 9

    Source : The Independent, au 9 avril 2025.

  • 10

    Source : Banque mondiale, au 31 décembre 2024.

  • 11

    Source : Bloomberg L.P., au 21 avril 2025, selon le rendement sur un jour de l’indice S&P 500 (-2,39 %), de l’indice Bloomberg US Treasury (-0,39 %) et de l’indice Bloomberg US Dollar (-0,70 %).

  • 12

    Source : Bloomberg L.P., au 16 avril 2025.

  • 13

    Source : Bloomberg L.P, au 17 avril 2025, selon le rendement de l’indice MSCI Europe couvert en dollars américains, vise à reproduire le rendement de l’indice MSCI Europe, mais l’exposition aux devises est couverte en dollars américains. Il a enregistré un rendement annualisé de 7,1 % par année depuis le vote sur le Brexit du 23 juin 2016 et au 17 avril 2025. (L’indice MSCI Europe reflète la représentation des grandes et moyennes capitalisations dans un univers de marchés développés en Europe.) 

  • 14

    Le terme « moment Liz Truss » désigne une situation où des décisions politiques ou économiques audacieuses entraînent de fortes turbulences sur les marchés et une perte de confiance. Cette expression découle du bref mandat de Liz Truss en qualité de Première ministre du Royaume-Uni en 2022.

  • 15

    Source : Bloomberg, au 21 avril 2025. Le taux des obligations du Trésor américain à 10 ans a clôturé à 4,38 % le 21 avril 2025, comparativement à une moyenne sur deux ans de 4,20 %.