L’indice S&P 500 a clôturé le mois d’août près d’un sommet record1, contredisant un scénario qui aurait pu sembler moins favorable il y a quelques semaines à peine. Au début du mois, de nombreux investisseurs se préparaient à la faiblesse saisonnière, à l’entrée en vigueur de nouveaux tarifs douaniers, aux évaluations élevées2 et même aux turbulences politiques à l’égard de l’indépendance de la Réserve fédérale américaine (Fed). Les marchés ont malgré tout progressé.
D’où vient cette résilience? La croissance économique aux États-Unis est demeurée solide3 et bon nombre d’observateurs s’attendent à ce que la Fed réduise le taux directeur à sa prochaine réunion. Ces facteurs favorables pourraient avoir aidé les marchés à faire abstraction des turbulences et à surmonter le proverbial « mur de l’inquiétude ».
À l’approche de septembre et d’octobre, les mêmes préoccupations continueront probablement à se faire entendre, y compris la saisonnalité, les risques politiques et les évaluations. Pourtant, nous ne voyons guère de signes annonciateurs de la fin du cycle. En effet, les données macroéconomiques et les signaux du marché continuent d’indiquer le contraire. La chanson de Green Day « Wake me up when September ends » (réveillez-moi à la fin de septembre) pourrait être une devise appropriée pour ceux qui sont préoccupés par la volatilité à venir dans les prochaines semaines.
La gouverneure Cook démissionnera-t-elle?
Les pressions politiques sur la Fed ont augmenté la semaine dernière. La Maison-Blanche a troqué les attaques verbales envers la banque centrale contre des actions directes ayant pour effet de modifier sa composition. Dans un geste sans précédent, le président Trump a récemment annoncé qu’il congédiait Lisa Cook, gouverneure de la Fed. C’est la première fois dans l’histoire des États-Unis qu’un président en exercice tente de destituer un gouverneur de la Fed en fonction. La Maison-Blanche a invoqué des allégations de fraude hypothécaire pour justifier la destitution « pour motifs valables » de Mme Cook, même si elle n’a pas été officiellement inculpée et encore moins reconnue coupable d’un crime.
En réponse à la tentative de congédiement et aux allégations criminelles pesant contre elle, la gouverneure Cook a déclaré qu’elle n’avait « aucune intention de se laisser intimider et de démissionner ». Elle a par la suite intenté une poursuite judiciaire contre l’administration Trump. L’affaire se rendra probablement jusqu’en Cour suprême et les procureurs auront le lourd fardeau de prouver que Mme Cook a agi dans l’intention de tromper et que sa conduite a causé un préjudice important, un argument qui a historiquement eu peu de succès dans des cas semblables.
Les enjeux de cette affaire sont pourtant considérables. Si l’administration Trump réussit à destituer la gouverneure Cook, elle pourrait nommer son remplaçant et, ce faisant, obtenir une majorité de membres favorables à ses positions parmi les sept membres du conseil des gouverneurs. Bien qu’elle ne marque pas nécessairement la fin de l’indépendance de la Fed, la destitution de Mme Cook pourrait créer un précédent dangereux et ouvrir la porte à une plus grande ingérence du gouvernement dans les décisions de politique monétaire. À plus court terme, elle pourrait aussi biaiser l’orientation de la politique monétaire vers une baisse du taux directeur. Toute autre mesure qui minerait la confiance du public à l’égard de la Fed et affecterait sa crédibilité pourrait toutefois avoir des conséquences plus graves pour les marchés et pour l’économie.
Les politiciens auraient intérêt à se rappeler qu’une banque centrale indépendante est essentielle pour contenir les taux d’intérêt à long terme et bien ancrer les attentes d’inflation. Si jamais on percevait que la Fed est contrôlée par le gouvernement, il pourrait en découler un affaiblissement important du dollar américain, une hausse des coûts d’emprunt aux États-Unis et une reprise importante de l’inflation. Ces conséquences nuiraient manifestement à l’économie et aux investisseurs.
Heureusement, les marchés financiers continuent de considérer ce risque comme peu probable, avis que nous partageons. Le dollar américain et le taux des obligations du Trésor américain à 30 ans ont clôturé la semaine dernière pratiquement sans changement et les attentes d’inflation à long terme n’ont augmenté que légèrement4. Le fait que l’indice S&P 500 ait terminé la semaine près d’un nouveau sommet record et que les écarts de taux des obligations de sociétés se soient rapprochés de creux historiques5 illustre le risque associé aux décisions de placement prises uniquement en fonction du flot des nouvelles. Même si nous demeurons optimistes à l’égard des actions américaines, les investisseurs préoccupés, à juste titre, par l’exposition aux États-Unis pourraient envisager de se tourner vers des occasions intéressantes à l’étranger.
Attentes d’inflation légèrement plus élevées
L’inflation de base a augmenté de 2,9 % sur 12 mois, conformément aux attentes, mais toujours au-dessus de la zone de confort de la Fed6. Malgré ce niveau élevé, le fait qu’il corresponde aux prévisions consensuelles pourrait renforcer les attentes du marché à l’égard d’une baisse de taux en septembre7. Les pressions sur les prix devraient encore augmenter en raison de la mise en œuvre des tarifs douaniers, ce qui soulève la question cruciale de savoir si cela représente un choc des prix ponctuel ou le début d’une inflation soutenue. Nous considérons les tarifs douaniers comme un choc transitoire et nous croyons que la Fed les interprétera de la même façon. La confiance des consommateurs aux États-Unis s’est par ailleurs détériorée, ce qui n’est pas surprenant vu l’augmentation des prix. Les attentes d’inflation sur le marché obligataire ont augmenté8 et, même si les niveaux actuels laissent toujours entrevoir une stabilité relative des prix, la tendance justifie une surveillance étroite. Une hausse soutenue des attentes d’inflation pourrait entraîner un changement de politique de la Fed et servir de mise en garde pour les cycles économiques et de marché.
Nvidia s’attend à un ralentissement de la croissance de ses revenus
Les marchés américains ont réussi à atteindre de nouveaux sommets, même si Nvidia, qui affiche la plus grande capitalisation boursière, a reculé après avoir enregistré une croissance des bénéfices d’à peine 56 % sur 12 mois9. Quelle que soit la mesure objective utilisée, les bénéfices passés de Nvidia ont été remarquables. Il en faut toutefois plus de nos jours. L’ampleur de ses revenus et de ses bénéfices diminue depuis maintenant plusieurs trimestres, et la société a indiqué qu’elle s’attendait à un ralentissement de la croissance de ses revenus au cours des prochains trimestres.
Le ralentissement répété de la croissance des bénéfices de Nvidia et d’autres sociétés à mégacapitalisation n’a rien d’inquiétant. C’est une situation normale qui se produira. Mais c’est peut-être un signe qu’il faut au moins envisager une rotation de l’exposition aux actions américaines vers certains segments qui ont été moins prisés.
La France, un cas désespéré?
Le gouvernement du premier ministre François Bayrou sera soumis à un vote de confiance à l’Assemblée nationale le 8 septembre. Les votes de confiance ne sont pas nécessairement rares en France, mais le caractère inhabituel de celui qui vient tient au fait que c’est le premier ministre lui-même qui l’a provoqué. Les marchés des paris, comme Polymarket, prédisent à près de 90 % qu’il perdra le vote de confiance.
Comme de nombreux gouvernements dans le monde, la France tente de réduire ses dépenses pour remettre le pays sur une voie budgétaire viable. Le marché obligataire français a ressenti ces pressions budgétaires. Le taux des obligations d’État à 5 ans de la France a dépassé celui des obligations d’État de même échéance de l’Italie, une première depuis l’introduction de l’euro en 199910. De plus, neuf émetteurs français ont des obligations de sociétés en circulation qui se négocient désormais à des taux plus serrés que les obligations d’État de même échéance11. Les investisseurs affirment avoir une plus grande confiance dans les sociétés françaises que dans le gouvernement français.
Nous ne voyons toutefois aucune raison de paniquer et ne pensons pas qu’un défaut de paiement est imminent.