Planification fiscale et successorale

Tout savoir sur les sociétés privées – Imposition du revenu d’une entreprise exploitée activement

Drapeau canadien devant des gratte-ciel modernes

Points importants à retenir

Principe d’intégration

1

Le système fiscal canadien vise l’intégration, c’est-à-dire qu’un particulier doit se retrouver avec un revenu après impôt identique, que le revenu soit gagné à titre personnel ou par l’intermédiaire d’une société, puis distribué sous forme de dividendes.

Mécanismes d’intégration

2

L’intégration est mise en œuvre au niveau individuel au moyen de la majoration des dividendes et du crédit d’impôt, des éléments constitutifs de l’impôt remboursables pour les sociétés sur certains revenus (p. ex., revenu de placement passif) et de la distinction entre les dividendes déterminés et les dividendes non déterminés, ce qui a une incidence sur la majoration des dividendes et le crédit d’impôt.

Avantage du report d’impôt

3

Les sociétés profitent de taux d’imposition plus bas sur le revenu d’une entreprise exploitée activement (en particulier la première tranche de 500 000 $ au moyen de la déduction accordée aux petites entreprises), ce qui crée un avantage de report lorsque le revenu est conservé dans la société. Sur une base entièrement intégrée, cet avantage disparaît dans la plupart des provinces et, en raison des variations des taux provinciaux, une intégration parfaite est rarement réalisée, ce qui entraîne parfois par un léger désavantage fiscal.

Cet article étudie les principes de l’intégration fiscale au Canada, en s’intéressant à la façon dont le revenu d’une entreprise exploitée activement gagné par une société privée sous contrôle canadien (SPCC) se compare à ce même revenu d’entreprise gagné à titre personnel. Il décrit les mécanismes conçus pour atteindre la neutralité fiscale, notamment la majoration des dividendes et les systèmes de crédits d’impôt.

L’objectif de l’intégration

Le terme « intégration » fait référence au principe de l’impôt sur le revenu selon lequel un particulier doit obtenir un revenu après impôt identique, que le revenu soit gagné à titre individuel ou par l’intermédiaire d’une société. Autrement dit, un montant d’impôt identique doit être payé, que le revenu soit gagné à titre individuel ou par l’intermédiaire d’une société privée sous contrôle canadien (SPCC) qui distribue ensuite son revenu après impôt au particulier à titre d’actionnaire.

En vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) du Canada, une société est une entité juridique distincte des actionnaires qui en sont propriétaires et est assujettie à l’impôt sur le revenu qu’elle génère. Le revenu est d’abord imposé au sein de la société avant de pouvoir être transmis aux actionnaires sous forme de dividendes prélevés sur les résultats non distribués. L’actionnaire paiera ensuite l’impôt sur le revenu des particuliers sur le revenu qu’il a reçu de la société.

Pour éviter la double imposition du revenu transmis par une société aux particuliers à titre d’actionnaires (et prévenir tout avantage fiscal involontaire), un modèle de majoration des dividendes et de crédit d’impôt est appliqué au niveau individuel, de même qu’un mécanisme de remboursement de l’impôt sur le revenu de placement passif à la société1. Ce mécanisme vise à intégrer le système fiscal entre les deux entités, le particulier et la société. Idéalement, une intégration est parfaite lorsque le revenu après impôt est identique, qu’il soit gagné à titre individuel ou par l’intermédiaire d’une société. En raison des niveaux variables des taux d’imposition provinciaux, il est rare que les mécanismes fiscaux fédéraux et provinciaux combinés permettent une intégration parfaite.

Voici une illustration d’une intégration parfaite. Dans cet exemple, nous supposons que le particulier se situe dans la tranche d’imposition marginale de 50 %.

Revenu professionnel gagné à titre personnel

Revenu

1 000 $

Impôt des particuliers (50%)

(500 $)

Revenu après impôt

500 $

Revenu professionnel gagné par la société

Revenu (A)

1 000 $

Impôt sur les sociétés (13%) (B)

(130 $)

Revenu net

870 $

Dividende versé à l’actionnaire 870 $
Majoration (taux de 15 %)  130 $
Dividende imposable 1 000 $
Impôt des particuliers (50 %) (500 $)
Crédit d’impôt pour dividendes 130 $
Impôt des particuliers net (C) (370 $)
Revenu après impôt (A - B - C) 500 $

Intégration du revenu d’une entreprise exploitée activement au moyen de dividendes canadiens

Pour intégrer le revenu qui transite de la société à l’actionnaire, les dividendes canadiens versés sont d’abord majorés, puis assujettis à l’impôt et font ensuite l’objet d’une demande de crédit d’impôt pour dividendes au niveau individuel. Ce mécanisme vise à intégrer le revenu par l’intermédiaire de la personne morale afin d’atteindre la parité fiscale. Le montant réel de la majoration et du crédit d’impôt dépendra du fait que le dividende versé soit déterminé ou non (aussi appelé « dividendes autres que les dividendes déterminés).

Une société privée pourrait voir une partie de son revenu d’entreprise exploitée activement (REEA) imposée au taux d’imposition des petites entreprises et une autre partie imposée au taux général d’imposition des sociétés. En théorie, les dividendes déterminés sont versés par la société sur un revenu qui n’a pas profité de la déduction accordée aux petites entreprises (DPE). Autrement dit, ils sont versés sur le REEA de la société qui est imposé au taux général d’imposition des sociétés. Les dividendes déterminés sont majorés de 38 % et donnent droit à un taux de crédit d’impôt plus élevé (15,02 % des dividendes déterminés majorés). À l’inverse, les dividendes non déterminés sont ceux versés sur les bénéfices non répartis de la société qui a profité des taux d’imposition préférentiels des petites entreprises (REEA admissible à la DPE). Les dividendes non déterminés sont majorés de 15 % et sont assujettis à un taux de crédit d’impôt plus faible (9,03 % des dividendes non déterminés majorés).

Le revenu de placement passif (revenu généré par le placement de bénéfices non répartis) est imposé à des taux plus élevés qui comprennent un élément constitutif de l’impôt remboursable, dont il sera question plus loin.

Imposition du revenu d’une entreprise exploitée activement – l’avantage du report d’impôt

Pour encourager le développement des petites entreprises par le réinvestissement des bénéfices au Canada, les gouvernements fédéral et provinciaux offrent un taux d’imposition réduit sur le revenu d’entreprise généré par une petite société privée. Ce taux d’imposition des sociétés réduit est rendu possible par la DPE, qui se situe à 19 % (au niveau fédéral) pour 2025. Le taux d’imposition général fédéral des sociétés est de 38 %, soit une réduction de 10 % pour permettre aux provinces d’appliquer leurs propres taux d’imposition des sociétés si elles le souhaitent. La DPE de 19 % est ensuite appliquée, ce qui donne un taux fédéral net de 9 % sur la première tranche de 500 000 $ de REEA. La plupart des provinces utilisent également ce plafond de 500 000 $, à l’exception de la Saskatchewan et de l’Î.-P.-É. (600 000 $) ainsi que de la Nouvelle-Écosse (700 000 $ à compter du 1er avril 2025). Pour mettre les choses en perspective, voici les taux d’imposition fédéraux et provinciaux combinés pour le REEA admissible à la DPE partout au Canada, ainsi que les taux d’imposition des particuliers comparatifs.

Le taux réduit pour le REEA a un effet de report lorsque le revenu d’entreprise est gagné par une société et conservé dans l’entreprise. Le tableau A présente l’avantage de report lié à l’utilisation d’une société plutôt qu’un particulier se situant dans la tranche d’imposition la plus élevée et qui exploite l’entreprise en tant qu’entreprise individuelle.

Tableau A : Revenu d’entreprise exploitée activement admissible à la déduction accordée aux petites entreprises
  C.-B. Alb Sask. Man. Ont. Qc N.-B. N.-É. Î.-P.-E. T.-N.-L.

Taux provincial jusqu’à concurrence du plafond des petites entreprises

2,00 %

2,00 %

1,00 %

0,00 %

3,20 %

3,20 %

2,50 %

1,75 %²

1,00 %

2,50 %

Combiné avec le taux fédéral de 9 %

11,0 %

11,0 %

10,0 %

9,0 %

12,20 %

12,20 %

11,5 %

10,75 %

10 %

11,50 %

Taux d’imposition marginal des particuliers le plus élevé

53,50 %

48,00 %

47,50 %

50,40 %

53,53 %

53,31 %

52,50 %

54,00 %

52,00 %

54,80 %

Avantage du report

42,50 %

37,0 %

37,5 %

41,4 %

41,33 %

41,11 %

41,0 %

43,25 %

42,0 %

43,3 %

Comme nous l’avons vu, l’avantage du report est important, même s’il disparaît effectivement une fois qu’un dividende est versé conformément au processus d’intégration expliqué précédemment. En raison des écarts de taux d’imposition entre les provinces, l’intégration n’est pas parfaite et, sur une base entièrement intégrée, il existe un désavantage fiscal dans la plupart des provinces, comme le montre le tableau B ci-dessous.

Tableau B : Avantage/(désavantage) de gagner un revenu d’entreprise par l’intermédiaire d’une société privée

REEA de 1 000 $ [A]

C.-B.

Alb.

Sask.

Man.

Ont.

Qc

N.-B.

N.-É.

Î.-P.-E.

T.-N.-L.

Taux d’imposition des petites entreprises

11,00 %

11,00 %

10,00 %

9,00 %

12,20 %

12,20 %

11,50 %

10,75 %

10,00 %

11,50 %

Impôt des petites entreprises

(110 $)

(110 $)

(100 $)

(90 $)

(122 $)

(122 $)

(115 $)

(108 $)

(100 $)

(115 $)

Revenu d’entreprise disponible pour les dividendes non déterminés

890 $

890 $

900 $

910 $

878 $

878 $

885 $

893 $

900 $

885 $

Taux marginal d’imposition le plus élevé sur les dividendes non déterminés

48,89 %

42,30 %

41,34 %

46,67 %

47,74 %

48,70 %

46,83 %

48,28 %

47,92 %

48,96 %

Impôt sur les dividendes non déterminés

(435 $)

(376 $)

(372 $)

(425 $)

(419 $)

(428 $)

(414 $)

(431 $)

(431 $)

(433 $)

Net par rapport aux particuliers [B]

455 $

514 $

528 $

485 $

459 $

450 $

471 $

462 $

469 $

452 $

Taux d’imposition marginal des particuliers le plus élevé

53,50 %

48,00 %

47,50 %

50,40 %

53,53 %

53,31 %

52,50 %

54,00 %

52,00 %

54,80 %

Impôt à payer

(535 $)

(480 $)

(475 $)

(504 $)

(535 $)

(533 $)

(525 $)

(540 $)

(520 $)

(548 $)

Net par rapport aux particuliers [C]

465 $

520 $

525 $

496 $

465 $

467 $

475 $

460 $

480 $

452 $

Avantage/(désavantage) fiscal [(B-C)/A]

(1,01 %)

(0,65 %)

0,29 %

(1,07 %)

(0,59 %)

(1,65 %)

0,44 %

0,16 %

(1,13 %)

(0,03 %)

Conclusion

Les taux préférentiels d’imposition des sociétés les plus faibles applicables aux petites entreprises canadiennes entraînent un report d’impôt important sur le revenu d’entreprise exploitée activement gagné par une société, comparé à ce même revenu d’entreprise gagné par un particulier imposé aux taux d’imposition marginaux les plus élevés Sur une base entièrement intégrée, gagner un revenu d’entreprise par l’intermédiaire d’une société entraîne un coût fiscal dans la plupart des provinces du Canada. Ensemble, ces résultats fiscaux incitent et encouragent le réinvestissement des entreprises.

De plus, l’exonération cumulative des gains en capital (ECGC) est un autre incitatif fiscal qui ne s’applique qu’aux petites entreprises sous contrôle canadien lors de la disposition d’actions admissibles. Sous réserve que les conditions soient remplies, l’ECGC peut servir à exonérer jusqu’à 1 250 000 $ de gains en capital. Il s’agit de la limite pour 2025 et elle sera indexée sur l’inflation chaque année à compter de 2026. Les critères généraux d’admissibilité à l’ECGC sont les suivants : 90 % de la juste valeur marchande des actifs de l’entreprise sont utilisés dans une entreprise exploitée activement principalement au Canada immédiatement avant la vente et plus de 50 % de la juste valeur marchande de ces actifs doivent avoir été utilisés dans une entreprise exploitée activement au Canada au cours des 24 mois précédant immédiatement la vente.

Intégration fiscale des particuliers et des sociétés – Revenu de placements 2025

Intégration fiscale des particuliers et des sociétés

  • 1

    Nous avons utilisé le terme « revenu de placement passif » pour résumer le fait de gagner un « revenu de placement total ajusté » et des « dividendes de portefeuille » au sein d’une société privée. Ces termes sont définis dans la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada. Le revenu de placement total ajusté comprend généralement le revenu d’intérêts, le revenu de location, les redevances, le revenu de biens et les gains en capital nets imposables. Les dividendes de portefeuille sont ceux versés par des sociétés canadiennes résidentes.

  • 2

    Conformément au budget de 2025, la Nouvelle-Écosse réduit le taux de la DPE de 2,50 % à 1,50 % à compter du 1er avril 2025 et relève le plafond de la DPE de 500 000 $ à 700 000 $. La proposition a été adoptée le 26 mars 2025. Les chiffres au prorata de 1,75 % et de 650 685 $ sont mentionnés pour 2025 comme le taux au prorata pour l’année.